Bien que de façon générale la perte de nos animaux de compagnie soit pénible, certains types de pertes sont parfois plus difficiles à accepter et à gérer que d'autres. Que ces pertes soient dues à de la négligence de la part des maîtres, à un accident, à un manque de supervision des enfants qui jouent avec leur animal ou suite à un geste volontaire par un autre individu, elles provoquent souvent un sentiment de colère et de culpabilité intolérable chez les maîtres endeuillés.
Une perte difficile est celle où les maîtres ont été eux-mêmes témoins de la mort traumatisante et accidentelle de leur animal de compagnie. Souvent, ces maîtres sont victimes de flash-back de la scène qui caractérisait l'accident (bruits, cris de l'animal) ainsi que de la douleur aigue et insupportable qui était ressentie de leur part dans les quelques instants suivant l'accident. Ces flash-back risquent d'être présents pendant des mois suite à l'accident. Ce qui rend ardu ce genre de perte est l'impossibilité de pouvoir faire ses adieux à l'animal. Lorsqu'un animal décède de façon naturelle, il est souvent plus facile d'accepter cette mort en se disant que « son temps était arrivé » et ce, que ce soit attribué à l'âge avancé de l'animal, à une maladie, ou simplement à la volonté de Dieu. Lorsque les maîtres choisissent de procéder à l'euthanasie de leur animal de compagnie, ces derniers le font souvent car c'est la meilleure alternative pour l'animal. Dans ce cas, les maîtres ont la chance de se préparer pour la mort éventuelle de l'animal, ne serait-ce que pendant quelques heures. Les maîtres peuvent contrôler la manière et l'endroit où l'animal décédera, insistant par exemple que l'euthanasie soit réalisé à la maison ou en déterminant les soins médicaux qui seront offerts à l'animal. Ce contrôle peut permettre aux maîtres de dire adieu à leur animal et conséquemment, les réconforter en sachant que la mort était paisible.
Les morts accidentelles sont surtout difficiles à accepter car nous ne pouvons pas y attribuer un raisonnement logique. Peu de gens considèrent ce genre de mort comme une alternative pour leur animal bien aimé. En plus, les pertes accidentelles se produisent tellement rapidement et de façon inattendue que les maîtres n'ont aucunement le temps de se préparer, de faire leurs adieux ou d'assurer un dernier moment de vie paisible pour leur animal. Les souvenirs violents de la scène de la mort ajoutent aux réactions habituelles de deuil des sentiments de choc, de peur, d'horreur et de culpabilité intensifiée. Dans ce genre de situation, la plus grande tâche est d'assimiler l'incompréhensibilité de l'accident. Ces morts sont appelées des morts dénuées de sens et aléatoires puisque aucune logique n'est à la base de la perte. Il est essentiel que les maîtres puissent éventuellement comprendre qu'un accident, par définition, ne puisse pas être un événement causé de façon prévisible ou volontaire. Bien que la culpabilité ressentie par ces maîtres soit normale, elle demeure cependant injustifiée. éventuellement, il faut comprendre à travers du processus de deuil qu'être le maître d'un animal de compagnie implique nécessairement des risques tels que la mort accidentelle de l'animal bien aimé.
Un deuil souvent lourd à gérer est le cas où un animal a été volontairement tué par un autre individu. Par exemple un maître, laissant souvent son chien se promener librement à la campagne, peut le découvrir mort par fusillade car il se promenait sur la propriété du fermier voisin. Ce maître va sûrement ressentir de la colère, du regret et de l'auto-reproche. En général, les maîtres ayant perdu leur animal de cette façon risquent de vivrent une grande colère envers la société en entier. Même si les responsables de la mort de l'animal sont identifiés et amenés en justice, les maîtres de l'animal ne sont que compensés monétairement pour le coût de remplacement de l'animal et non pas pour les coûts associés à leur douleur morale. Lorsque nous considérons la loi, les animaux de compagnie ne sont pas perçus comme étant des membres de la famille, mais plutôt comme une propriété du maître. Le lien affectif partagé entre les maîtres et leur animal n'est donc pas reconnu par la justice, ce qui peut rendre encore plus difficile le deuil qui s'ensuit. Ces individus, étant accablés de rage, peuvent vouloir planifier un coup de revanche, ce qui ne corrige pas la situation. Bref, vous pouvez offrir du soutien à ces maîtres endeuillés en leur donnant la permission d'exprimer leurs sentiments de révolte, d'échec, d'impuissance et d'isolement. Ces derniers doivent se rappeler que la décision de laisser l'animal se promener librement semblait nullement menaçante et basée sur les connaissances et les perceptions de la réalité à ce moment là; les maîtres ne pouvant s'attendre à un tel comportement de la part d'un voisin.
Une autre perte qui s'avère pénible à gérer est celle où les maîtres sont ceux qui blessent à mort accidentellement leur animal de compagnie (par exemple, ils écrasent leur animal avec la voiture). La réponse affective naturelle à ce genre de perte est celle où les maîtres peuvent se percevoir comme étant déficients dans les soins qu'ils octroyaient à leur animal. Ces maîtres transforment donc leur croyance d'être un maître dévoué et soucieux à celle d'un maître délinquant. Peu importe si le chien a traversé l'autoroute, si l'oiseau s'est jeté dans la fenêtre ou si le chat a avalé une aiguille cachée dans le tapis, les maîtres sont souvent hantés par des pensées telles que « j'aurais dû » ou « si j'avais ». Ces maîtres doivent se rappeler qu'en autant qu'ils se blâment pour une situation qui était complètement hors de leur contrôle, la culpabilité et le deuil ne vont pas se résoudre.
Ce qui peut souvent venir en aide dans ce genre de situation c'est d'avoir recours à la perspective d'une autre personne : un ami, un parent ou un proche. L'événement de la mort ne détruit pas uniquement la relation qui était établie entre les maîtres et l'animal, mais aussi la croyance des maîtres quant à leur rôle en tant que maîtres responsables et compatissants. Une personne écoutante et objective peut aider les maîtres à réaliser que des commentaires tels que « Nous ferions n'importe quoi pour qu'il soit encore avec nous » démontrent bien à quel point ils voulaient le mieux pour leur animal de compagnie, les éloignant ainsi de l'image des maîtres peu soucieux de leur animal. La triste réalité est que les accidents nous rappellent que nos animaux font face à des risques quotidiens ainsi que des dangers sur lesquels les maîtres n'exercent aucun pouvoir. C'est difficile de considérer ces risques et souvent plus simple d'assumer la responsabilité de la mort. Cependant, les auto-reproches des maîtres n'inversent pas l'accident, ils ne facilitent pas le processus de deuil et ils ne redonnent pas le contrôle au maître qu'il aurait désiré posséder au moment de l'accident. En somme, l'essentiel est de se rappeler que ce n'était qu'un « accident », hors du contrôle de qui que ce soit º.
Dre Annique Lavergne
Psychologue
º Les informations ci-dessus ont été tirées du livre de Quackenbush Graveline (1985) intitulé : When your pet dies : How to cope with your feelings. New York : NY, Simon Schuster Inc.